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La gestion chez Moov AI: comment nous évoluons dans un modèle holacratique 

 🧭 10 minutes

Pourquoi la fin des modes de gestion conventionnels? 

Quand j’ai rejoint l’équipe de Moov AI, il y avait déjà une volonté de mettre sur pied une organisation avec un mode de gestion différent qui venait entre autres d’une intention de partager le pouvoir par les fondateurs. Ceux-ci souhaitaient créer une organisation différente après avoir vécu les limites des modèles conventionnels dans leurs expériences passées. Ils ont donc créé Moov AI dans leur volonté de revaloriser l’humain dans sa vie professionnelle en se détachant de la chaîne de commandement traditionnelle. 

Pourquoi les modèles traditionnels ne laissent pas les personnes sur le terrain prendre les décisions en lien avec leurs rôles? Qu’est-ce qui nous fait si peur? Peut-être que nous craignons de perdre notre pouvoir, celui qui nous distingue, celui qui nous rend nous, qui nous donne notre identité. Comment pouvons-nous réinventer les organisations?

Moov AI, en plus d’être une entreprise spécialisée en intelligence artificielle, grandit dans une industrie qui bouge rapidement. À travers celle-ci, pour survivre, une organisation doit être en mesure de suivre les tendances et d’adapter ses pratiques au rythme effréné du marché. On en est venu à la conclusion qu’il est inconcevable pour nous de considérer qu’une poignée d’humains, les gestionnaires, soient capables de prendre les décisions pour tout le monde, et ce, de manière éclairée. Cela requiert d’être expert dans tous les domaines de l’ensemble de l’organisation. 

C’est pour cette raison qu’on s’est tourné vers l’holacratie. 

OK, mais concrètement, l’holacratie, c’est quoi?

L’holacratie, c’est un modèle de gestion qui se détache des structures hiérarchiques et pyramidales habituelles dans lesquelles l’autorité est donnée aux personnes selon leur titre.

De son côté, l’holacratie supprime les postes de gestionnaires au sein de l’entreprise pour remettre le pouvoir entre les mains des personnes sur le terrain et ainsi, elle bénéficie de l’intelligence collective.

Mais attention! Cela ne veut pas dire que tous sont appelés à prendre part à toutes les décisions! Bien que le système et ses pratiques favorisent l’échange et la sollicitation d’avis, le pouvoir décisionnel réside quelque part.

Mais alors, où réside-t-il?

L’holacratie est basée sur un système de cercles et de rôles autonomes qui sont indépendants dans leurs domaines d’action. Le pouvoir réside donc dans les rôles énergisés par les collègues dans l’organisation. Ainsi, une personne peut, dans le cadre d’un de ses rôles, user de son pouvoir et prendre une décision sans avoir à la faire approuver par un gestionnaire ou par un collègue.

Rôles Moov AI

Chez Moov AI ça se vit comment?

Chaque jour, nous devons sortir de notre zone de confort et prendre des décisions pour lesquelles nous n’aurions même pas été consultés dans des modes de gestion traditionnels. C’est énergisant et valorisant d’avoir l’autonomie d’agir et de prendre action librement, mais ça vient aussi avec la pression d’en assumer la responsabilité. Nous avons la chance d’avoir des collègues formidables qui nous aide chaque jour à nous développer et à mieux naviguer dans ces nouvelles pratiques de gestion.

Afin de rendre cela plus tangible pour vous cher lecteur, j’ai discuté avec Marie-Odette, scientifique de données senior chez nous, pour savoir comment elle vit cela au quotidien. Voici ce qu’elle m’a dit :

« Le principal avantage de l’holacratie est que ça nous permet de transformer ce qu’on fait chez Moov AI de manière simple et naturelle comparativement à d’autres organisations où un changement de poste complet serait nécessaire. C’est agréable que le processus rende possible de faire des mouvements latéraux graduellement. Ça me permet d’exploiter mes forces au quotidien, d’être sur mon X, mais aussi de demeurer sur celui-ci même si mes intérêts changent dans le temps. Cette notion de temporalité nous offre beaucoup plus de flexibilité. De plus, les processus holacratiques, dont la possibilité de postuler et de démissionner de nos rôles, réduisent la complexité administrative de tels changements.

Être scientifique de données chez Moov AI, dans mon cas, c’est de contribuer au développement de solutions d’IA concrètes pour nos clients, mais aussi de contribuer à la composition de l’offre de service, de m’impliquer dans les ateliers de préparation et d’accompagner l’équipe dans l’écriture de propositions pour nos clients.

Pour un autre collègue technique, comme Carl par exemple, être développeur ML c’est de contribuer au développement de solution d’IA et de participer à l’amélioration en continu de notre processus de révision salariale.

Finalement, un autre exemple que j’aime bien citer est le cas de Nelly. Elle est gestionnaire de projet d’IA chez nous. En plus des rôles classiques de gestionnaire de projet, elle contribue au guide des méthodologies de gestion des projets clients et siège au conseil d’administration.

On voit donc que c’est possible pour tout le monde chez Moov AI de s’impliquer où il amène de la valeur ajoutée, et ce, peu importe la nature de ses rôles pour lesquels il a été embauché.

Un autre aspect qui me motive au quotidien est l’absence de politique interne ou de hiérarchie implicite comme dans les grandes entreprises. Ici, nous travaillons ensemble dans la livraison de projets d’IA et dans le déploiement d’une organisation différente et sommes tous égaux sur le plan humain. Finalement, je ne me sens pas étouffée par mes meetings qui ailleurs sont souvent multipliés. »

Les défis

Je constate bien sûr beaucoup d’avantages, comme l’augmentation de l’autonomie, de la productivité et du bien-être global chez les collègues, ainsi qu’un fort accroissement de l’engagement. Cependant, il y a autant de difficultés que dans les autres systèmes de gestion; ils sont simplement à des endroits où nous n’y attendions pas. Ainsi, j’ai fait de nombreux apprentissages. De prime abord, les processus étant centraux au modèle, c’est facile d’oublier l’humain et ses susceptibilités individuelles dans l’application. Il est donc extrêmement important de prendre le temps de se déposer avant une rencontre et d’être complètement présent et à l’écoute de l’autre. Une seconde leçon que j’ai tirée de mon expérience est qu’il est impossible de forcer une personne à élargir ses horizons et à concevoir l’organisation du travail autrement. Ainsi, lorsque certains collègues ont plus de difficulté à prendre des décisions et à en assumer la responsabilité, nous devons en tant qu’équipe nous tenir redevables. C’est un défi pour moi de contribuer au développement de mes collègues vers un nouveau modèle de gestion, mais c’est tellement enrichissant.

World Café - Moov AI

Un autre challenge est la tendance naturelle de la centralisation du pouvoir. En effet, le leadership revient rapidement entre les mains des personnes avec de l’influence naturelle, puisque ce sont eux qui postulent sur des rôles stratégiques en postures décisionnelles. Il faut, comme dans toute organisation, sensibiliser et encourager les autres à prendre leur place et à prendre des risques pour qu’un jour, eux aussi, exerce leur pouvoir.

Troisièmement, notre société nord-américaine a de la difficulté à se détacher du titre d’une personne et on accorde beaucoup de valeur à notre identité professionnelle. Ce n’est pas différent chez nous. Ainsi, j’ai constaté rapidement que les leaders de cercle sont parfois perçus comme des gestionnaires classiques. Je dois donc aider mes collègues à s’approprier le pouvoir décisionnel et à ne pas tomber dans leurs mauvais réflexes de demander l’approbation.

Finalement, j’observe notre difficulté notable à attacher une rémunération à un assemblage de rôle en assurant l’équité interne, externe et individuelle. Il m’est nécessaire d’user de l’intelligence collective pour avoir des discussions de fond sur le sujet ainsi que de me faire accompagner d’une consultante d’expérience pour la mise en place d’un processus officiel différent.

Et finalement, mes impressions comme jeune professionnelle…

Personnellement, je trouve ça très rafraîchissant de pouvoir compter sur mes collègues œuvrant dans des postes de natures différentes pour faire avancer des projets en lien avec la culture et le développement des individus.

D’autre part, c’est tellement clair qui fait quoi, que je ne me ramasse pas avec des problèmes qui ne m’appartiennent pas. En revanche, j’ai appris qu’il est important de prendre le temps et d’accompagner les humains à changer de paradigme. Il ne faut pas penser que se tourner vers un modèle différent se fera facilement.

Comme dans tout grand changement, la loi de Murphy s’applique souvent. Je dois, avec toute l’équipe, rester aux aguets et être réactive lorsque le système nous défie. La réalité est que je ne peux pas travailler comme je l’ai appris à l’université. Comme notre environnement n’est pas contrôlé, plusieurs facteurs viennent influencer le dénouement du déploiement de l’holacratie. Dans un projet humain, aussi central et innovant que celui-ci, nous avons beaucoup d’angles morts. Finalement, souvent nous nous heurtons là où on ne s’y attend pas. Une grande résilience aux changements et aux imprévus est donc de mise!

C’est un double défi pour moi de me développer dans une organisation comme la nôtre. C’est cependant le fait de passer par-dessus ces obstacles qui me permet de m’émanciper; c’est ce qui me rend heureuse au bout du chemin.

Notre objectif initial était de s’éloigner des modes de gestion traditionnels pour faire autrement et pour revaloriser l’humain dans sa profession, cette dernière occupant maintenant une majorité de notre temps. Il était ainsi important pour nous que l’humain se développe et se sente valorisé dans son travail. L’holacratie nous rapproche de ce but, mais n’est pas une finalité. Nous apprenons à naviguer ce système tous les jours et peut-être qu’un jour nous déciderons d’essayer quelque chose de nouveau. Ainsi, nous continuerons d’explorer de nouveaux modes de gestion et des nouvelles pratiques pour bâtir une organisation qui permet à l’humain de se développer à son plein potentiel. Bref, ce n’est pas facile tous les jours, mais ce sont ces défis qui me rendent profondément heureuse et fière de faire partie de cette révolution du monde professionnel.



Mégan Danis

J’accompagne l’équipe dans le déploiement d’une organisation post-conventionnelle et étends le terreau fertile pour créer un environnement de travail sain. Je crois que la force d’une organisation se trouve dans les humains qui la composent.